PAOLO ZEDDA
Mon travail de recherche commence officiellement avec l’élaboration du mémoire de maîtrise italienne (tesi di laurea/1976), où je me questionnais sur l’itinéraire historico-linguistique d’une notion comme celle de « phonème », issue d’un regard fonctionnaliste sur le langage qui sera toujours au centre de mes préoccupations phonétiques : quelle place donner à la généralisation nécessaire des phénomènes articulatoires et acoustiques du langage, opérée par la phonologie, sans négliger par exemple certaines particularités allophoniques (voir plus loin la notion d’« allophone de la bonne diction ») qui imposent souvent une attitude plus « phonétique » vis à vis du niveau oral de la langue, permettant parfois une remise en cause de nombreux concepts et études phonétiques.
Cette préoccupation, et oscillation continuelle entre le général et le particulier, traverse tout au long mes recherches qui essayent d’éclairer entre autre des notions sclérosées parfois par les excès de l’une ou l’autre perspective.
Influencé par des pédagogues d’orientation structuraliste, typique des années 70 en Italie, je découvre et approfondis les courants des formalistes russes et me concentre sur les activités des cercles culturels : en particulier celui de Prague dont les activités et les découvertes me passionnent. Je crois beaucoup en ces lieux où scientifiques et artistes se rencontrent (voir plus loin le projet d’un « laboratoire de la voix »), où la collaboration fructueuse entre spécialistes de différentes disciplines a permis des avancées remarquables dans les sciences humaines, et je ne manque pas de rappeler, lorsque l’occasion se présente dans mes écrits, que des groupes de recherche interdisciplinaires sont à l’origine d’initiatives théoriques et culturelles exceptionnelles : La Camerata de’ Bardi, dans l’Italie du XVIème siècle, représentant un ancien exemple de la collaboration fructueuse entre intellectuels réunis en cercle ; ce qui a donné naissance à l’Opéra occidental moderne !
Cette évocation s’explique par le fait que l’étude des aspects techniques de la langue chantée, issue du répertoire vocal de l’opéra, va occuper plus de dix ans de mon travail de recherche : des investigations et élaborations théoriques confortées par une présence intense dans un terrain d’exploration privilégié: l’enseignement dans les Ateliers lyriques de l’Opéra de Paris et Lyon et au conservatoire de musique (CNSMDP), les productions d’opéra, les enregistrements, les masterclasses, et, plus tard, les nombreux cours de formation à la pédagogie du chant (notamment les préparations au diplômes d’Etat CA et DE) auxquels j’ai participé en tant que formateur et apprenant, etc…
Les bourses d’études du gouvernement français, que j’obtins en 75 et 76, m’ont permis d’entrer en contact à Paris avec des chercheurs comme N. Ruwet et J.C. Coquet (Paris VIII), et de participer à des programmes de recherche ; comme ce fut le cas avec avec S. Delesalle et J.C. Chevalier sur les « productions orales » (voir article dans Langue Française 1979/42), etc…
Oswald Ducrot, dont j’ai suivi pendant de nombreuses années les séminaires à l’EHESS, reste toutefois le chercheur duquel je me suis senti le plus proche, pendant ces années-là, grâce à une attitude scientifique qui prolongeait le sillon tracé par un linguiste italien qui est à l’origine de mes études de linguistique générale et de la « tesi di laurea » (voir CV): Luigi Rosiello de l’Université de Bologna.
Après un premier DEA à l’EHESS, où je découvre surtout avec O. Ducrot une intéressante approche du langage à travers la logique propositionnelle, je commence une thèse sur les productions orales que j’abandonne au profit d’études artistiques : théâtre, chant, art lyrique (1ère médaille d’art lyrique/1981 et diplôme de professeur de chant/1991).
Les recherches ne sont toutefois pas abandonnées, et la responsabilité musicale qu’on me confie lors d’un stage de Commedia dell’Arte avec Carlo Boso du Piccolo Teatro de Milan (G. Strehler), m’amènent à un deuxième DEA (Paris III et Paris VIII) sur la musique polyvocale profane du XVIème siècle avec M. Plaisance.
Le chemin est tracé pour une thèse d’Etat qui ne verra pas le jour, suite à la réforme, mais le sujet cette fois-ci est définitivement choisi. Les langues chantées peuvent être traitées comme des « variantes linguistiques » : les caractéristiques articulatoires du chant d’opéra, en italien, sont alors étudiées en premier, et aboutissent dans la thèse : « La variante linguistique du Belcanto: essai de phonétique articulatoire »
Né dans une famille dont plusieurs de ses membres ont pratiqué et enseigné la musique classique professionnellement, et inspiré aussi par la forte tradition musicale de la Sardaigne natale, j’ai été confronté très jeune aux différentes formes d’expression vocale, allant de la richesse du chant traditionnel de ma région au répertoire d’opéra.
Enfant, j’ai chanté aussi bien le répertoire de l’opéra que celui de la « chansonnette », dans une « tradition italienne » où le chant est intégré au quotidien sans trop de « rituels » culturels. Dans cet esprit, j’ai cultivé ma curiosité pour toutes les formes de culture vocale, et mes approfondissements et recherches en ce qui concerne l’opéra, sont dues principalement à la volonté de comprendre tout d’abord le fonctionnement d’une technique vocale qui permette un développement exceptionnel et extravagant des possibilités de l’appareil vocal (puissance, virtuosité, capacité de passer au-dessus d’une masse orchestrale considérable, etc…), le tout dans le respect de la santé de l’appareil vocal.
L’idée d’étudier les aspects articulatoires de la technique du chant d’opéra comme une « variante linguistique » vient aussi des observations effectuées sur plusieurs « élites » de jeunes chanteurs, recrutés dans des hauts lieux de l’enseignement vocal lyrique en France où j’ai enseigné tout d’abord la diction lyrique italienne ; et cela en même temps que mes propres études de chant. Pouvoir scruter « la bouche et le corps chantants » d’étudiants chanteurs comme Natalie Dessay, Roberto Alagna, Jean-Luc Chaignaud, Catherine Dubosc, Sylvie Brunet, Béatrice Uria-Monzon, etc…, que j’ai eu comme élèves de diction lyrique italienne, et savoir en tirer des enseignements, s’est révélé tout aussi important que de lire les anciens et modernes traités sur le chant ou toute sorte d’étude scientifique à la pointe de la recherche !
Depuis le début des années ’80 j’ai la chance de côtoyer d’illustres pédagogues dans les différentes institutions où j’enseigne: principalement à l’Ecole d’Art Lyrique de l’Opéra de Paris (15 ans) avec Elisabeth Grümmer, Michel Sénéchal, Hans Hotter, Christa Ludwig, Daniel Ferro, Rosetta Noli, Lola Rodriguez de Aragon; à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Lyon (15 ans), avec Eric Tappy, Ruben Lifschitz, Horst Günter, Sena Jurinac, Graziella Sciutti; mais aussi dans de nombreux stages auxquels je participe en tant que pédagogue, par exemple au centre de la voix de la Fondation Royaumont avec Richard Miller, Lorraine Nubar, Rachèle Yakar et à l’académie de musique ancienne de Saintes avec Philippe Herreweghe et Rudolf Bautz, etc…
Une grande expérience de terrain en tant que « répétiteur » d’italien, lors de productions d’Opéra avec d’éminents chefs d’orchestre (William Christie, Peter Eötvös, Roy Goodman, Philippe Herreweghe, Peter Schneider, etc…), mais aussi une pratique quasi quotidienne de chanteur (dans les différents styles classique, « populaire » et variété) et de professeur de chant (depuis 1986) m’ont amené aussi à vérifier les résultats de ma recherche sur les relations étroites qui existent entre la Diction et la Technique vocale.
Président de l’Association Française des Professeurs de Chant (AFPC) de 1993 à 2000, j’ai participé à de nombreux congrès dont le IVème International Congress of Voice Teachers (ICVT) qui s’est tenu à Londres en juillet 97, notamment pour une communication (Zedda/1998) qui portait sur l’influence et les interférences des différentes variantes linguistiques d’une langue sur la construction d’une technique vocale.
Dans le cadre de cette association je suis à l’origine de nombreuses initiatives qui ont connu depuis un grand succès : les Semaines de Musique Française, qui se déroulent tous les deux ans, le Colloque sur la mélodie française au CNSMDP (Zedda, 1996), « l’opération Vaccaj 2000 », pour laquelle 23 compositeurs de musique contemporaine savante (sur environ 200 contactés) ont écrit des oeuvres dont une sélection figurera dans un premier album d’initiation aux particularités de cette vocalité, mais aussi des « tables rondes » : sur les techniques corporelles et le chant, sur chant et psychisme ; la création de « groupes de travail » qui ont abouti dans les publications (dont je suis responsable depuis 1994) « l’enseignement du chant aux débutants » et le « précis sur le souffle », qui connaissent un grand succès de diffusion et contribuent à la formation continue des professeurs de chant. Tout dernièrement a été formé un nouveau groupe de travail sur « chant et nouvelles technologies » qui va aboutir dans la publication du 4ème numéro de la Revue de l’AFPC.
La récente création des « ateliers de pédagogie vocale », que je souhaitais depuis le début de ma présidence, permettant la confrontation et l’échange entre les différentes approches pédagogiques et les résultats de la recherche scientifique, devient désormais un vivier pour le contact et la découverte de véritables « personnalités de la pédagogie », dont certaines vont participer très prochainement aux futures recherches que l’AFPC a l’intention de mener avec la collaboration d’Universitaires et Médecins de la voix…
La politique d’invitation de personnalités du monde pédagogique et scientifique, promue par l’AFPC, a permis de pouvoir profiter de l’enseignement de chercheurs tels que Richard Miller, célèbre pédagogue américain de l’Oberlin University dans l’Ohio, désormais membre d’honneur de l’AFPC, … jusqu’à la toute dernière présence de Joan Sundberg, acousticien suédois de grande renommée, qui a honoré de sa présence, en mai 2002, une des réunions pédagogiques accueillies depuis de nombreuses années dans les locaux du CNSMDP, grâce à la confiance qui nous a été accordée par ses directeurs successifs.
Je me permets de beaucoup développer ce chapitre sur ma participation à l’AFPC, car j’accorde à ce type d’activité associative une grande importance, s’agissant d’un lieu où la recherche sur le chant trouve sa véritable raison d’être. Je suis par ailleurs membre des associations américaine et italienne : respectivement la NATS (National Association of Teachers of Singing) et l’AICI (Associazione Insegnanti di Canto Italiana), dont j’ai contribué à la création.
En 1999/2000, en tant que président de l’association européenne European Voice Teachers Association (EVTA) j’ai pu organiser le congrès « Le chant dans tous ses états » à Lyon, en collaboration avec l’Opéra et le CNSM de cette même ville. A cette occasion, comme le titre l’indique, on a pu explorer des aspects du chant qui sont rarement traités dans les congrès de professeurs de chant: les recherches sur les bénéfices d’un enseignement musical (incluant une pratique chantée) dans l’enseignement général (Mingat, Suchaut, 1994), la réeducation de sujets aphasiques à travers le chant, etc… ; et cela en même temps que des master-classes avec des très grands chanteurs d’opéra.
Depuis de nombreuses années j’assure la formation en phonétique générale et phonétique italienne dans diverses « préparations » en vue de l’ obtention des diplômes de professeur de chant (DE et CA), organisées par le Ministère de la Culture (Direction de la Musique). Dans ce cadre, j’ai dirigé des ateliers « Diction et chant » au Centre d’Art Polyphonique de Paris: des spécialistes par langue (français, italien, anglais, allemand), se joignant à ma recherche sur les relations étroites qui existent entre les différents modèles linguistiques et la technique de chant.
J’obtiens en ’95 un poste de Maître de conférences au Centre de langues de l’Université Lumière Lyon2, qui a comme principal but d’appliquer les nouvelles technologies éducatives à l’enseignement des langues étrangères. Au sein de cette composante de l’Université, je coordonne l’équipe d’enseignants pour l’organisation de stages intensifs de langue et de cours en autoformation. Dans cette même structure j’anime, dans le cadre du DESS « Acquisition et didactique des langues étrangères », l’atelier « Corps et voix » qui inclue un travail sur la didactisation de chansons, un outil idéal pour faciliter l’apprentissage et l’entraînement des particularités phonétiques d’une langue. Dans ce cadre j’ai dirigé 6 mémoires de DESS dont voici quelques titres : Apports de la théorie des intelligences multiples dans l’enseignement et l’apprentissage d’une langue étrangère, L‘apport des méthodes ludiques dans l’enseignement des compétences orales en langues étrangères, Conception d’un CD-Rom pour la correction phonétique d’apprenants anglophones en français langue étrangère, etc… ; et suivi des nombreux rapports de stage sur la thématique de mes cours et recherches : par exemple, Le rôle des chansons dans l’enseignement de l’anglais à l’école primaire.
J’ai en outre crée le site Italyon2 http://perso.club-internet.fr/zeddap/italyon2 où va bientôt être opérationnelle la deuxième branche « chansons en phonétique », après celle des « séquences télévisées » qui a comblé une des lacunes existantes dans l’offre de documents oraux authentiques pour l’apprentissage de la langue italienne.
Dans la section italienne du département de Langues Romanes de cette même Université je donne des cours sur « Le chant italien dans ses racines phonétiques » qui comprennent une heure de pratique chantée, touchant aux différents styles (chant traditionnel, classique, variété, etc…) qui sont analysés dans la partie théorique du cours. J’organise dans le cadre de l’IUFM des ateliers « Corps, voix et enseignement », (depuis cette année avec la DAFAP), où on travaille sur les relations étroites qui existent entre l’utilisation de la voix parlée (et chantée) et les différentes postures corporelles.
En ce qui concerne le chant, il n’existe pas pour le moment en France de structure permettant de faire le lien entre la pratique, la recherche et la pédagogie. Dans les universités américaines par exemple la rencontre entre les professionnels du chant (chanteurs, professeurs, coaches, etc…) et des chercheurs de toute sorte (acousticiens, phonéticiens, phoniatres, musicologues, etc…) est possible depuis de nombreuses années, grâce à la nature même de ces institutions qui facilite ces contacts. Cela a donné les résultats que l’on connaît, aussi bien au niveau de la recherche que de la formation de chanteurs, pédagogues et autres professionnels de la voix qui circulent désormais en grand nombre dans le monde entier et en France.
Une collaboration entre les CNSM de Paris (où je suis chargé de cours), l’Université et le CNRS serait envisageable, afin de créer une structure qui intégrerait peu à peu le travail de recherche à la pratique et à la réflexion pédagogique qui gravitent autour des futurs professionnels du chant ; sans oublier les « pratiques amateurs » qui se développent de plus en plus et qui méritent un regard plus attentif de la part des chercheurs: de nombreux artistes étant issus d’un enseignement dont les bonne bases ont été données dans ce type d’approche artistique.
Les rencontres entre science et art autour du chant sont de plus en plus nombreuses, notamment lors d’importantes manifestations et congrès qui se déroulent dans le monde (ceux de professeurs de chant et des différents représentants du milieu scientifique, médical et para-médical : phoniatres, acousticiens, spécialistes de pratiques corporelles, etc…), mais elles restent souvent la vitrine d’un savoir scientifique et artistique qui a souvent du mal à trouver un véritable écho à l’intérieur des institutions musicales et des organismes de formation. Il faut à long terme, créer un « laboratoire de la voix » qui permettrait de tisser progressivement un lien entre la pratique, la recherche et la pédagogie qui se développent autour du chant, afin d’établir des projets communs.
Voici, pour finir, quelques notions importantes, issues de mon travail de recherche.
Si « études sur l’oralité » pourrait être une étiquette qui renferme en quelques mots le champ d’investigation de mes recherches (dans le sillage, entre autre, de chercheurs comme l’américain W.J.Ong), assez vite ce domaine est circonscrit dans l’étude de « l’oral chanté ». Les recherches sur ce dernier permettent de préciser de nombreuses notions linguistiques comme celles primordiales de «langue standard » et de « bonne diction », dont j’ai déploré à plusieurs reprises dans mes écrits les dérives puristes de toute sorte. Je propose pour la première des précisions sur une notion « virtuelle », issue de la « langue saussurienne » et précisée ensuite par les notions d’énoncé et énonciation et ses nombreuses filiations. Pour la deuxième (indissociable de celle de langue standard !) je propose une définition phonétique qui tient compte avant tout du bon fonctionnement de l’appareil vocal, mais aussi le repérage des « allophones de la bonne diction », pratiqués dans la langue chantée, dont la prise en compte devient indispensable dans les nombreuses études phonétiques et acoustiques où le protocole de recherche manque souvent de précisions à ce sujet. On généralise en effet, dans de nombreuses études, les observations opérées sur des articulations et, plus en général, des émissions « défectueuses », au détriment de la prise en compte d’articulations « efficaces » de même nature (« allophones de la bonne diction »), facilement repérables et descriptibles, qui pourraient orienter tout autrement les résultats de l’investigation (voir par exemple de nombreuses études sur les articulations nasales!).
D’autres notions émergent de mes travaux de recherche: celle de « série vocalique » ; celle de « voyelle mixte du belcanto », utile pour comprendre une certaine « vocalità » utilisée dans le répertoire classique ; la distinction essentielle entre nasalisation et consonne nasale, qui permet de briser le dogmatisme de l’opposition oral/nasal, le « lieu articulatoire oro-nasal » dans la bonne diction, etc…
Les recherches en cours, confrontées et corroborées aux/par les résultats de la recherche scientifique actuelle sur l’émission vocale, sont menées en même temps qu’une pratique pédagogique et artistique. Elles visent l’établissement de notions techniques (tous styles confondus) qui facilitent l’émission parlée et chantée dans un souci premier de bonne santé de l’appareil vocal.
Un titre peut exprimer au mieux ma « philosophie de recherche »:
Variantes linguistiques et émission dans les répertoires de la musique vocale.
Je souhaite en effet continuer mes recherches sur la corrélation entre les phénomènes articulatoires des « langues à chanter » et l’émission vocale qu’ils entraînent (terminer notamment un livre qui résume et vulgarise les travaux de la thèse) ; mais aussi encourager et développer la recherche en vue d’une pédagogie qui permette de satisfaire aux exigences et au développement des différentes formes de la « vocalité » contemporaine (des répertoires « savants » aux musiques « actuelles ») ; et cela en relation étroite avec les différents acteurs des professions qui gravitent autour de la voix parlée et chantée : chercheurs sur la voix, pédagogues du chant et leurs associations, interprètes, etc…
J’envisage par ailleurs la création de matériel vidéo et multimédia pour ce domaine de recherche, car il fait cruellement défaut, nous obligeant alors à une utilisation d’outils venant principalement d’outre-atlantique, qui excluent tous ces pédagogues qui ne sont pas à l’aise avec la langue anglaise. Il est déjà tellement difficile de « se comprendre » dans une langue parfaitement maîtrisée, qu’il vaudrait mieux utiliser des outils d’apprentissage qui ne compliquent pas l’accès à la connaissance.
La phonétique articulatoire appliquée à l’étude de la langue chantée, qui fonctionne comme une loupe des phénomènes articulatoires, peut et doit côtoyer l’approche acoustique (plus objective) que je souhaite développer dans un sens plus pragmatique.
Les différents styles vocaux peuvent être étudiés afin de dégager une pédagogie qui se base avant tout sur la nécessité d’un fonctionnement optimal de l’appareil vocal. Avec une telle démarche, on respecte par ailleurs un des principaux postulat de la définition d’une langue qui est d’être « unité dans la variété » et on évite les pièges idéologiques des « ethnies vocales », défendues souvent inconsciemment par de nombreux chercheurs imprudents : les voix noires, les voix italiennes, les voix d’Amérique latine, le « mystère » des voix bulgares… Aucun mystère dans tout cela, sinon des fâcheuses confusions qui identifient souvent un style vocal aux particularités linguistiques de telle ou telle autre langue.
Comparativement à d’autres chercheurs ma production, en nombre de publications, reste modeste, mais cela est dû principalement à la nécessité de laisser « dialoguer » le pédagogue, l’interprète et le chercheur que je suis, et dont les activités intenses ont, pour le moment, laissé un temps réduit à l’écriture.
Paolo ZEDDA, janvier 2003