PAOLO ZEDDA
Publié en décembre ’94, dans le N° 32 de la revue de pédagogie musicale et chorégraphique MARSYAS, cet article contient les réflexions d’un groupe de travail qui s’est formé au sein de l‘association françaises des professeurs de chant (AFPC), afin de présenter et expliquer à un public vaste et différencié la bonne technique respiratoire dans le chant. Ce texte a été réédité dans un « Précis du Souffle » que l’AFPC a publié en Mai 2001.
Marie France Busnel
Christine Demangel
Paolo Zedda
La conscience de l’acte respiratoire (conscience sensorielle/physiologique et non intellectuelle!), apparaît pour la plupart d’entre nous à des moments très différents: lors d’une balade à la campagne, et peut-être grâce à des phrases comme: “respire à pleins poumons”; ou bien lors d’un cours de gymnastique, associée à un geste du corps, ou alors peut-être devant un inhalateur pour soigner un rhume ou, pire, pour soulager une crise d’asthme. Pour certains parfois il faut attendre le premier cours de yoga pour sentir son souffle!
Il est rare que ce type de conscience apparaisse lors de l’intonation spontanée d’un chant en famille, entre amis, ou à l’église. Même les plus doués d’entre nous porteraient éventuellement leur attention plutôt sur la bouche et la gorge, mais pratiquement jamais vers la respiration. Puis, lorsqu’on décide d’apprendre à chanter (dans le sens d’un essai de maîtrise de l‘émission chantée), tôt ou tard, on nous parle de la respiration, de la façon de respirer, et souvent on est confronté à des difficultés plus ou moins grandes, qui en réalité, résument l’histoire de chacun. Une expression comme: retrouver une respiration naturelle vient percuter nos oreilles, et un conflit – parfois seulement terminologique – entre naturel et habituel s’installe vite en nous: comment accepter que nombre de nos habitudes soient allées contre une certaine “nature des choses”? Et c’est cette recherche de la nature qui nous paraît tout à coupartificielle : nous sommes en vie, et de toute façon nous respirons; mais pourquoi pour chanter faut-il se tenir d’aplomb, le sternum haut, respirer debout avec la même dynamique respiratoire que l’on trouve dans la position allongée? Pire encore: pour arriver à exprimer un chant qui nous paraît très “artificiel” (voire certaines extravagances du chant classique!) , on nous demande, une fois de plus, de retrouver un certain “naturel”. Et tout cela, au nom de la bonne technique du chant…
– “En effet ce qui pour un public non-spécialisé peut ressembler à un artifice, n’est rien d’autre que la redécouverte et la réalisation, à travers divers expédients (physiologiques, psychologiques, etc…), des pleines potentialités des organes préposés à la phonation, une façon en somme de découvrir avec l’art, la nature. (…) … l’émission doit être 1perçue comme un produit de l’activité du corps tout entier, en excluant justement cette zone du larynx d’où en réalité le son prend son origine (ce que les Maîtres Italiens du Belcanto appelaient) 2. La prononciation et la respiration représentent des méthodes indirectes pour conditionner le comportement laryngé.” 3
Cet extrait d’Antonio Juvarra a l’avantage de mettre sur le même plan d’importance la respiration et l’articulation du langage (dont on parle généralement peu et/ou mal!) dans l’apprentissage de la technique vocale, et de nous suggérer aussi, lorsque l’on parle de chant, le rapprochement entre deux termes apparemment contradictoires: artificiel et naturel .
Mais avant de rentrer de façon plus approfondie dans des détails d’ordre esthétique et/ou pédagogique, présentons quelques concepts qui nous paraissent être les plus importants dans la vaste littérature scientifique et non-scientifique, qui s’intéresse à ce problème spécifique.
1
Notions indispensables
Nous ne prétendons pas avec ces quelques notes épuiser les informations concernant l’anatomie et la physiologie de la respiration. Il nous paraît toutefois nécessaire de rappeler qu’aujourd’hui tout pédagogue se doit de connaître l’indispensable de ces notions (à cet effet, cet article est suivi d’une bibliographie; nous signalons tout spécialement les pages 35 à 78 de l’ouvrage de F. Le Huche (1984) et les pages 22 à 31 de celui de R. Miller (1990).
Notre voix est un instrument aérodynamique: cela veut dire tout simplement qu’elle fonctionne grâce au mouvement de l’air expiré. L’instrument voix se divise en trois parties: la soufflerie, le vibrateur, le résonateur, dont la première est le sujet de notre article; nous indiquerons de façon très concise le fonctionnement des deux autres. Le flux d’air arrivant des poumons, rencontre un rétrécissement 4des parois muqueuses de la trachée (cordes vocales) qui se collabent 5(s’accolent) et engendrent le son. Les cordes vocales, soumises à la pression sous-glottique 6, font donc office de vibrateur.
Le conduit bucco-pharyngé, qui se comporte comme un filtre du son généré par le vibrateur, en modifiant son volume, produit les différentes voyelles, et fait donc office de résonateur. Précisons maintenant quelques notions qui font parfois l’objet de confusions.
Quelques lois de physiologie musculaire
Tout muscle a son antagoniste: le muscle A a son opposé B qui fait le travail inverse du sien; on arrive ainsi à un équilibre musculaire entre A et B dont les forces s’annulent. Si, par exemple dans l’acte du chant, on ouvre trop fort les côtes, on crée immédiatement une force musculaire opposée qui va fermer ces côtes avec la même force que celle utilisée pour les ouvrir. Pour réaliser donc une bonne gestion du souffle, il ne faudrait jamais exagérer la prise d’air, mais juste répondre aux
besoins des poumons.
“Quand on parle de respiration profonde on ne fait pas référence à la quantité d’air inspiré, mais plutôt à la façon dont on réalise l’inspiration (…) avec les mêmes sensations de bien être suscitées par la bouffée d’air revigorante que l’on prend à la mer ou à la montagne (…).” 7
Un muscle travaille en raccourcissant ses fibres. Application: lorsque les abdominaux se contractent, ils diminuent de longueur réduisant ainsi le volume abdominal; le contenu de l’abdomen va donc être poussé vers le haut, entraînant le diaphragme lui même vers le haut. A l’inverse, lorsque les abdominaux retournent à l’état de repos, ils retrouvent leur longueur et le contenu abdominal son volume, laissant ainsi une marge de manoeuvre de descente au diaphragme pour une nouvelle inspiration.
Un muscle non travaillé quotidiennement se comporte soit en hypertension (il en fait trop!), soit en hypotension (il n’en fait pas assez!). Dans les deux cas il y a déséquilibre musculaire, donc forçage.
Respiration du chanteur
Précisons tout d’abord la différence entre respiration vitale et respiration du chanteur: dans la respiration vitale, l’inspiration active et l’expiration passive sont non contrôlées; dans la respiration du chanteur, inspiration et expiration sont actives et contrôlées.
Dans la respiration du chanteur, contrairement à la respiration quotidienne, c’est surtout l’expiration qui est active. Le diaphragme remonte, certes, mais il remonte plus lentement pour permettre, entre autre, des phrases musicales plus longues. Cette remontée lente s’obtient par un jeu d’équilibre musculaire dynamique entre les abdominaux (obliques, grand droit et transverse)
2
et leur antagoniste, le diaphragme, grâce au sternum légèrement soulevé et à l’ouverture des côtes 10/11/12. Il est indispensable de conserver, pendant ce travail, les épaules détendues. Le maintien souple du sternum dans une position légèrement soulevée est ce qui caractérise l’inspiration du chanteur. Et cela pendant que les abdominaux se relâchent, que le diaphragme descend et que les côtes 10/11/12 s’ouvrent. Cette position spécifique du sternum, qui donne au chanteur une allure dite “noble”, pendant tout le cycle respiratoire, est donc très particulière à celui qui utilise la technique de l’appoggio.
L’appoggio
De tout temps les chanteurs ont eu à résoudre les problèmes posés par la longueur des phrases musicales et par la puissance de leur voix, problèmes – temps et volume sonore (dans le sens d’une voix qui est capable de porter au dessus d’un grand orchestre) – liés à la maîtrise du souffle. Vers la fin du XVIIème et le début du XVIIIème siècle, les maîtres italiens, ou écrivant dans le style italien, se mirent à composer des oeuvres de plus en plus difficiles: une nouvelle technique du souffle s’imposait alors, pour permettre de l’allonger, et de se faire entendre jusqu’au dernier rang de ces immenses nouveaux théâtres lyriques; c’est la technique dite de l’appoggio créée et perfectionnée par les professeurs italiens tout au long du XVIIIème et du XIXème siècles dans les célèbres conservatoires de Naples, Bologne, etc… A propos du mot “appoggio”, signalons que la traduction française habituelle “appui” ne correspond absolument pas au terme italien qui, traduit littéralement, veut dire “poser”. Dans le verbe “appoggiare” il y a donc une notion de délicatesse totalement absente dans le verbe “appuyer”, qui trop souvent incite à pousser…
Cette méthode de souffle, qui tient compte des lois de la physiologie citées plus haut, a comme idée maîtresse celle de l’équilibre dynamique de toute la musculature respiratoire: mais portons notre attention sur deux phénomènes qui nous permettront d’établir une hiérarchie dans le travail pédagogique du souffle: lors de sa descente, le diaphragme pousse le contenu abdominal (viscères) et, si le “mur” abdominal est relâché, il entraîne l’ouverture des côtes vers l’extérieur et vers le haut. La règle est de ne pas pousser le ventre vers l’extérieur, ni de le rentrer…; on maintient en équilibre les muscles qui opèrent ces mouvements. On ralentit ainsi la remontée du diaphragme en prenant conscience de son contact, le plus longtemps possible, avec le contenu abdominal. Pour comprendre et obtenir cet équilibre musculaire, qui engage le corps tout entier, il faut parfois des années de travail!
“En voulant synthétiser, on peut dire que la direction du souffle est d’abord vers le bas et ensuite vers l’extérieur. Cette dernière indication nous amène à un autre aspect important de l’inspiration, dont il est conseillé de s’occuper seulement après avoir bien consolidé le premier (contrôle de l’abdomen): nous parlons bien entendu de la dilatation des côtes inférieures. Elles doivent être maintenues autant que possible dans cette position d’expansion pendant l’expiration, afin d’établir graduellement la sensation des points de fixation du diaphragme ” 8
La signature de l’appoggio est une inspiration silencieuse qui indique que les cordes vocales sont bien ouvertes. 9
Concluons ce paragraphe avec une citation de R. Miller qui nous rappelle si bien que:
“L’appoggio ne peut se définir, ainsi qu’on le pense souvent, en tant que “soutien respiratoire” au sens propre du terme, car appoggio concerne aussi bien le domaine de la résonance que celui du souffle. L’École Italienne historique ne connaissait pas la distinction entre l’aspect moteur et les aspects résonateurs que d’autres écoles ont pratiquée. L’appoggio est un système permettant de combiner et d’équilibrer les muscles du tronc et du cou, en contrôlant leurs relations avec les résonateurs situés au dessus de la glotte, sans que l’exagération d’une fonction par rapport aux autres ne vienne dominer le tout.” 10
3
L’artifice du chant…
Revenons maintenant à des réflexions d’ordre plutôt esthétique. On oublie souvent que l’appareil vocal est tout d’abord entraîné par la gymnastique articulatoire de la langue maternelle qui crée des habitudes phonatoires parfois contraires à l’épanouissement du chant (par exemple la diction particulièrement crispée de certains d’entre nous!); de plus, les accents régionaux et individuels permettent un épanouissement plus ou moins grand de notre voix. A cela se greffent les différentes traditions culturelles (directement liées à l’esthétique de la langue), filtrées par le goût individuel de chacun. Tout cela crée ces différentes formes de chant qui vont, par exemple, de la simplicité mystérieuse de certaines monodies populaires, à la complexité évidente de certains airs baroques sur-ornés… à l’apparente monotonie mélodique de certains chants de rappeur qui semblent rechercher une rythmique proche de celle de l’épopée homérique, pour nous raconter leur vision de la vie.
Tous ces chants, bien entendu, demandent dans leurs meilleures exécutions des acquis techniques plus ou moins importants, qui font tous appel à une pratique respiratoire dont les principes de bases restent les mêmes. Mais, pour ne pas tomber dans le simplisme inhérent à ce type de propos, on peut dire que certains répertoires d’opéra nécessitent une maîtrise de plus en plus grande de l’appareil phonatoire et donc du corps tout entier (grâce entre autre à la technique de l’appoggio décrite plus haut!). Pour une grande majorité de larynx, certaines performances seront à jamais impossibles: seuls quelques êtres d’exception, aux larynx fabuleux , sont capables de maîtriser les répertoires qui réclament souvent un timbre et une puissance vocales hors du commun.
Pour expliquer désormais la différence, exprimée sans trop de nuances, entre un bon chanteur classique et un bon chanteur non-classique, on pourrait dire que le chanteur non-classique a besoin d’un “soutien” beaucoup moins important que celui d’un chanteur de certains répertoires d’opéra, car l’esthétique de son chant demande une qualité de son qui n’a pas besoin d’une grande amplitude sonore. Entre autre, son émission tout entière, et tout particulièrement les aigus, peut être réalisée avec une position volontairement haute du larynx 11, ce qui ne demande pas un grand soutien. La bonne qualité de sa technique de souffle pourra par contre être confirmée par la présence, même sporadique, de sons vibrants et soutenus.12 Souvent le bon chanteur non-classique possède – ou trouve par la technique – ce “centre” du son qui permet une émission libre, facile et sans danger pour l’appareil phonatoire. Le bon chanteur d’opéra, grâce justement à la technique de l’appoggio, saura amplifier ce “noyau du son” en maintenant une position stable (et plutôt “basse”) du larynx tout en sachant épanouir souplement son pharynx, avec un voile du palais qui sera “naturellement” en position “haute”. Cette position ne doit pas être confondue avec la crispation “malheureuse” de cette partie du palais conséquente à la phrase trop entendue: “soulève ton voile du palais…!” Cet expédient ne fonctionne qu’avec un nombre trop restreint d’élèves pour en faire une donnée pédagogique valable. Par ailleurs lorsque l’on recherche un début du son produit à partir de cordes vocales préalablement bien ouvertes et coordonnées à un bon appoggio , on obtient naturellement ce soulèvement.
Dans la technique de chant “italienne”, d’ailleurs, on pratique un exercice dit des “suoni filati” (sons filés) qui consiste justement à émettre ce centre du son libre et vibrant (focus), à l’enfler au moyen du souffle, et à le diminuer enfin avec une sensation de même place vocale . Cette technique de “canto sul fiato” (chanter sur le souffle), qui permet un contrôle de l’ampleur du son, est indispensable pour une bonne maîtrise des sons “piano”.
Le bon chanteur non-classique peut produire ce centre du son libre , mais il n’est pas capable de l’enfler, car il n’a pas développé (soit par paresse, soit par ignorance!) la technique de l’appoggio, qui demande un grand équilibre corporel… et indubitablement un certain effort contrôlé! D’autre part, que certains chanteurs soient capables d’émettre des sons très puissants qui souvent exaltent le public, ne démontre pas forcément une maîtrise de la technique de l’appoggio.
4
“ (…) les différentes techniques développent plus ou moins les possibilités de l’organe vocal; certaines peuvent même être “dangereuses” si l’on ne respecte pas quelques règles “d’hygiène” (…). Il faut savoir qu’un chanteur populaire, ou de variété, peut aussi avoir une bonne technique, surtout s’il respecte certains rapports entre:
1) le souffle,
2) la “puissance” 13 et
3) l’étendue…vocales!
(…) le seul avantage de la bonne technique “dite classique” est celui de développer au maximum (de leurs potentialités!) les trois caractéristiques énoncées ci-dessus… Un choix stylistique détermine donc un choix vocal; ce dernier implique l’acquisition d’une technique qui permette la manipulation de l’appareil vocal à ces fins stylistiques.” 14
Évocations pédagogiques
Il est évident que le travail sur le souffle s’établit dès le début des études de chant, et qu’il doit s’accompagner d’exercices de prise de conscience du corps et d’un travail sur la relaxation. Ce travail, intégré à des exercices vocaux à la hauteur de l’élève, interviendra avec de plus en plus de précision tout au long des études de chant; cependant il demeure une recherche de toute une vie. A tout moment on peut perdre les repères proprioceptifs 15 d’une technique de souffle que l’on croit acquise, à cause d’émotions mal contrôlées, de la fréquentation de répertoires inadaptés, etc…
Il faudra éviter de donner à ce travail un caractère trop insistant qui, à coup sûr, crisperait l’élève. Il faut y revenir régulièrement, sans en faire une obsession. On cite souvent l’exemple d’immenses chanteurs (dont Caballé, Cappuccilli, etc…) qui auraient débuté leurs études de chant par un travail exclusif du souffle sans avoir émis le moindre son chanté pendant six mois, voire un an! Une loi aussi spartiate nous paraît contestable et nous nous permettons d’exprimer notre incrédulité au
sujet de ces anecdotes. Nous pensons au contraire qu’il est indispensable d’être tout de suite confrontés au morceau chanté, adapté au niveau et au goût de l’élève, car il nous permet la véritable approche de la technique du souffle.
Par ailleurs le cycle respiratoire est souvent modifié par nos états intérieurs… Tout état d’anxiété ou d’angoisse provoque des modification de son fonctionnement. Par exemple, suivant le degré de nervosité ou de tension de chacun, la respiration peut se concentrer dans le haut de la cage thoracique. Cette respiration dite “claviculaire” – dans laquelle le sternum monte à l’inspiration et retombe à l’expiration – est à proscrire car, entre autre, elle déstabilise l’appareil laryngé. Elle ne doit pas être non plus confondue avec cette recherche d’une position légèrement haute du sternum, préconisée dans le paragraphe précédent. Parfois même, l’acte de penser, ou le simple fait de “prêter attention” provoque chez certains individus un arrêt, quoique momentané, de la fonction respiratoire, installant souvent le réflexe d’un état d’apnée (cordes fermées) contraire à celui recherché dans l’acte du chant (cordes ouvertes!). L’état de calme semble par contre indispensable à la localisation abdominale de la respiration, qui intéressera, dans ce cas, aussi le bas de la cage thoracique. C’est la condition sine qua non, pour obtenir l’appoggio conseillé à plusieurs reprises. Dès le début de l’étude du chant, on demandera à l’élève d’essayer d’établir dans la mesure du
possible la coordination entre la source respiratoire (élément moteur), et le larynx (élément vibrant). C’est le travail sur le début du son pondéré : on demande à l’élève d’émettre des sons dans une tessiture qui lui est confortable, en les répétant à l’identique plusieurs fois, en veillant bien à la qualité du début de ce son et de sa fin, qui déterminera elle-même, le début du son
suivant. C’est à ce moment-là qu’il faudra coordonner une grande ouverture de la glotte en même temps que le relâchement des abdominaux et l’ouverture costale. On apprend ainsi à travailler le renouvellement de l’énergie respiratoire au moyen de l’alternance de tensions et de détentes musculaires. Petit à petit des repères proprioceptifs s’établiront grâce à un meilleur équilibre entre
5
les sensations du corps et de l’oreille. Cette dernière abuse parfois de ses capacités, car elle n’est pas toujours en mesure de bien juger la qualité du son émis. C’est pourquoi il est souvent nécessaire de se confier à une oreille extérieure.
En guise de résumé, nous rappelons quelques règles pour un travail équilibré du souffle: il faut apprendre à expirer lentement, avec un soutien très souple venant de la partie basse de l’abdomen, tout en gardant le sternum stable, le bas du thorax bien épanoui, et en veillant à ce que le muscle grand droit ne se contracte pas dans ses parties haute et médiane. On prendra conscience du rôle confortant de la masse viscérale, soit en travaillant couché sur le dos, soit assis, soit debout ou même à quatre pattes! Les exercices appropriés sont multiples, à base d’inspirations/expirations lentes ou rapides, d’apnées, etc… (voir l’exercice dit de Farinelli et d’autres, par exemple dans les pages 32 à 36 du livre de R. Miller).
On peut dire que de la qualité de l’inspiration, dépend la qualité du son émis. De ce début du son dépend toute la suite de l’émission vocale.
La grande Diva Renata Tebaldi disait autrefois:
– “dans le chant, la première chose qui compte c’est le souffle…, la deuxième… c’est le souffle…, la troisième … c’est le souffle… “-
Bibliographie:
Livres:
Cornut Guy, La Voix, P.U.F., Que sais-je n° 627, Paris, 1983.
Le Huche François et Allali André, La voix , Anatomie et physiologie des organes de la voix et de la parole, vol. I, Paris1984.
Miller Richard, La structure du chant, pédagogie systématique de l’art du chant, Paris 1990, éditions ipmc.
Pfauwadel M. Cl., Respirer, parler, chanter, Le Hameau, 1980.
Articles:
Faure M. Agnès, “Respiration et Art du Chant” , dans: Médecine des Arts n° 1, septembre 92. Scotto Di Carlo Nicole, “La voix chantée” , dans: La Recherche N° 235, septembre 91.
1 Pour une meilleure compréhension de cet extrait nous avons traduit le littéral “est “ par “doit être “ .
2 Ne pas avoir de gorge lorsque l’on chante.
3 Antonio Juvarra , Il canto e le sue tecniche, Ricordi, Milano, 1992, p. 31.
4 Situé en haut de la trachée, au niveau de la pomme d’Adam.
5 Comme l’étymologie l’indique, les cordes vocales, comparées à deux lèvres, s’affrontent en un mouvement de fermeture et ouverture très rapide (de 110 à 1000 mouvements par seconde selon la hauteur du son).
6 On appelle glotte l’espace entre les cordes vocales. L’air expiré, arrivant des poumons, est à une pression sensiblement supérieure à la pression atmosphérique qui est dans la bouche. On appelle donc “sous-glottique” la pression qui se produit juste en dessous des cordes vocales. 7 Antonio Juvarra, Ibidem, p. 9.
8 Antonio Juvarra, Ibidem, p. 10
9 Et cela jusque au début du son qui sera donc précédé par une plus ou moins longue “apnée cordes ouvertes” à appliquer dans l’exercice dit de Farinelli. Cela veut dire qu’il faut éviter toute fermeture des cordes avant le début du son – apnée cordes fermées fréquente chez les nageurs qui retiennent leur souffle au moment de l’immersion et ferment donc les cordes vocales sans production de son -. Nous rappelons à ce propos que la production du son de la part des cordes vocales n’est qu’une fonction biologique du second ordre, la première étant celle de valve de fermeture, que nous utilisons lors de n’importe quel effort, comme par exemple celui de la défécation.
10 Richard Miller , La structure du chant, pédagogie systématique de l’art du chant, Paris 1990, éditions ipmc, p. 26.
11 Cela dit, une position haute du larynx pendant l’exécution des aigus n’est pas l’apanage du chant non-classique. Malheureusement trop de chanteurs d’Opéra nous donnent à entendre, par manque de technique, ces aigus émis “ à l’arrachée”, qui ressemblent à des beaux cris, et qui témoignent de ce même défaut.
12 Ecoutez par exemple Ella Fitzgerald chantant “Oh Lady be good” de George Gershwin dans la version “lente” de l’enregistrement de 1959, et comparez-la à d’autres versions, dont la célèbre exécution “en scat” – façon de chanter où les mots sont remplacés par des onomatopées – de l’enregistrement “Ella Fitzgerald at the Opera House”, pour comprendre ce que veut dire un “son
libre et soutenu”… même dans le chant non-classique!
13 J’utilise ici le mot “puissance” dans le sens de la capacité d’une voix à s’amplifier et à s’épanouir (sans micros!) dans une “grande” salle aux caractéristiques acoustiques favorables (ce qu’on appelle aussi: une voix qui porte); et non pas dans le sens de sa puissance “naturelle” en termes de “décibels”.
14 Zedda Paolo, “Quelques contributions de la phonétique articulatoire à une meilleure définition du concept de technique vocale” , dans: Bulletin d’audiophonologie – annales scientifiques de l’Université de Franche-Comté , Février 1991, p. 145.
15 On appelle “sensations proprioceptives” ses propres perceptions des phénomènes physiologiques et acoustiques. De là viennent toutes ces images qui, étant personnelles, risquent de devenir inefficaces, voire dangereuses, dans une certaine approche pédagogique.